La femme doit bien paraître. La femme doit être parfaite. Elle doit suivre les standards de beauté à la lettre, sans quoi il est inutile qu’elle s’attende à recevoir le respect de quiconque. C’est ce qu’on lui dit. Du moins, c’est ce qu’on lui montre.
Les œuvres de Nelly Arcan prennent l’aspect d’analyses circulant d’un sujet tabou à un autre, n’ayant pas peur de montrer des réalités crues. Il va sans dire que notre auteure présente la réalité des femmes avec sincérité, discutant de leur rôle prédéterminé auprès des hommes et de l’image qu’on les force à incarner. Les propos de Nelly Arcan se font donc l’écho d’une civilisation dans laquelle le regard d’autrui définit l’image féminine davantage que sa personnalité. L’œuvre d’Arcan laisse entendre sans peine le silence honteux d’une société stagnante.
Dans la courte autofiction intitulée « L’enfant dans le miroir », tirée du recueil Burqa de chair, Arcan amène la question de l’identité féminine en dénonçant le vrai visage d’un monde mensonger.
Le miroir
« L’enfant dans le miroir » témoigne de l’importance d’une apparence soignée pour les femmes et des conséquences malsaines que cette réalité peut entraîner. C’est la société qui lui dictera imperceptiblement le standard à respecter, la femme tentant d’y répondre en se comparant systématiquement aux autres. Elle voudra être la plus belle, simplement parce qu’elle sait que c’est la seule solution pour se distinguer des autres femmes.
L’épanouissement de chacune est affecté par cette tyrannie de l’image qui lui est imposée. Les enfants cherchent à comprendre, c’est dans leur nature; le seul moyen d’y parvenir est en observant leurs proches. Le regard qu’une fillette porte sur son entourage lui fera constater que sa propre mère se préoccupe de son physique avec un intérêt incommensurable. En grandissant, c’est cette perception conventionnelle de soi-même que la petite fille imitera inconsciemment.
Dans la fiction d’Arcan, l’enfant décrite absorbe promptement les valeurs superficielles transmises involontairement par sa mère. On reconnait même ce comportement dans les premières années de vie de la fillette lorsqu’elle se compare à sa jeune amie Marie-Claude. Alors enfants, toutes deux trouvent plaisir à déformer leurs traits, animant ce divertissement par toutes sortes de grimaces se réfléchissant dans un miroir. Avec les années, cette distraction se transformera rapidement en son contraire et se traduira par de subtiles comparaisons afin de faire ressortir les caractéristiques de beauté de chacune :
« C’est une fois devenue grande que les miroirs me sont arrivés en pleine face et que devant eux je me suis stationnée des heures durant, m’épluchant jusqu’à ce qu’apparaisse une charcuterie tellement creusée qu’elle en perdait son nom. »
Nelly Arcan présente une véritable fixation pour les thèmes de l’apparence féminine et du suicide dans ses œuvres.
L’auteure féministe se suicide le 24 novembre 2009.
Laquelle de ses fixations a véritablement causé son décès?
La vision masculine
Dès son jeune âge, la femme comprend qu’elle obtiendra ce qu’elle veut en séduisant, en impressionnant. Elle se voit imposer la vision masculine du monde, c’est-à-dire qu’elle essaiera de se rapprocher du stéréotype qui lui est partout imposé et tentera ainsi de disposer d’un corps parfait. Pour répondre à cette vision, elle voudra rester éternellement mince, éternellement jeune, comme cela lui est dicté par la société. Plaire, éblouir, se laisser désirer : rôle sournois auquel elle ne peut échapper.
Pourquoi se définit-elle par sa beauté, alors que l’homme le fait par ses valeurs, par sa carrière et par ses réalisations?
Dans la courte autofiction intitulée « L’enfant dans le miroir », tirée du recueil Burqa de chair, Arcan amène la question de l’identité féminine en dénonçant le vrai visage d’un monde mensonger.