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Blanche Hurtubise

Improvisatrice, amoureuse de la vie et par-dessus tout femme de lettres, Blanche nous impressionne sans cesse par la justesse de ses mots et par l’allure comique qu’elle donne aux situations les plus fades. Déterrer un caca était son premier recueil de haïkus, et voici qu’elle nous présente son deuxième, Les mots à la bouche.

L'amour au féminin

Oeuvre: Pour l'amour de Marie Salat, Régine Deforges

L’amour est polymorphe. Amour tordu, amour passionnel, amour impossible, amour charnel. Il a été décrit de toutes les façons possibles. En 1986, Régine Deforges est sortie du cadre familier dont les histoires de romance font souvent partie, en retraçant, à partir de véritables cartes postales retrouvées chez un libraire brocanteur, l’histoire de deux femmes follement amoureuses l’une de l’autre, au début du XXe siècle. C’est avec « une émotion et une gêne profonde » qu’elle imagine et écrit la relation interdite entre ces deux femmes dans son œuvre Pour l’amour de Marie Salat.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Deuxième combat : être femme.

À l’époque de la correspondance entre Marguerite et Marie, les femmes sont contraintes au mariage et à la fondation d’une famille rapidement, souvent dès l’âge de la puberté. La majorité de ces femmes n’a peut-être même jamais connu le véritable amour. Cependant, ce n’est pas le cas de ces deux femmes, mais elles l’ont trouvé après et en dehors du mariage. Marguerite est contrainte de vivre ses désirs secrètement. Et ce n’est pas seulement elle, car les femmes n’étaient pas écoutées lorsqu’elles parlaient de leurs envies sexuelles, quand elles osaient en parler. Les désirs des hommes ont souvent supplanté ceux des femmes et celles-ci devaient se soumettre aux souhaits de leur mari. Marguerite a effectivement plus de difficulté à se conformer à ce rôle imposé aux femmes, contrairement à Marie. Cette dernière va à son tour essayer de convaincre Marguerite d’accepter ce rôle et de le voir comme un avenir prometteur : « Pense à ta fille, pense à ton mari. Ils sont ton avenir ». Cependant, cette motivation cache une pulsion que Marie refoule, celle de vouloir passer sa vie avec Marguerite et rompre avec son mari. Ce refoulement est directement en lien avec la réalité des femmes qui doivent enfouir leurs envies sexuelles. À plusieurs reprises, Marguerite va aussi manifester l’inconfort qu’elle ressent lorsqu’elle est seule avec son mari : « Mon mari essaie de me cajoler, mais je le repousse. Ce n’est pas de ses caresses que j’ai besoin. » Ce passage montre le deuxième combat auquel ces femmes avaient à faire face : celui de la difficulté à repousser et à refuser les avances d’un homme.

Premier combat : accepter son homosexualité.

L’homosexualité est un sujet sensible qui n’est pas simple à aborder. Cette réalité n’est pas toujours facile à accepter, même à notre époque. Malgré cela, Marguerite assume assez facilement, plus que Marie à tout le moins, leur relation contraire aux normes du XXe siècle et essaie souvent de convaincre Marie d’accueillir plus librement leur amour : « Je ne chercherai plus à troubler ton corps […] je resterai seulement à te regarder à te dévorer des yeux, puisque les caresses me sont interdites. Mais pourquoi? Pourquoi ? Nous nous aimons! Est-ce notre faute? Si Dieu l’a permis, c’est qu’il n’y a rien de mal à cela […] ». Marguerite réfère ici à Dieu pour normaliser ce qu’elles vivent aux yeux de sa dulcinée. Elle respecte, certes, les limites de Marie par amour, mais elle reste en quelque sorte égoïste. Elle continue d’insister, comme dans cette missive, sur la liberté dont elle voudrait que sa correspondante fasse preuve. Son raisonnement est humain, car son amante lui interdit de vivre ses pulsions librement, ce qui lui fait bien plus mal que d’être freinée par les normes sociales. La réponse de Marie reste craintive lorsque Marguerite évoque leurs amours secrètes. Elle mentionne souvent la peur : peur d’elle-même, peur des autres, peur de ses pulsions, mais aussi de Marguerite : « Vous me faites peur. Une femme ne peut pas aimer une autre femme de cette manière, c’est contre nature. C’est un péché, dirait Monsieur le Curé. » Son raisonnement est autant humain que celui de Marguerite, car sortir des normes est effectivement inquiétant. À leur époque, elles peuvent être menacées, si quelqu’un de curieux lit leurs échanges ou les aperçoit dans leurs moments d’intimité. Leur relation est un perpétuel combat entre l’émancipation de leur relation complice et la destruction de celle-ci, tout en faisant comme si elle n’avait jamais eu lieu.

À l’époque de la correspondance entre Marguerite et Marie, les femmes sont contraintes au mariage et à la fondation d’une famille rapidement, souvent dès l’âge de la puberté.

© 2018 par Sabrina Charron, Mélina LeGresley et Lysanne Vermette. Créé avec Wix.com

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