Au total, Je ne suis pas ici pour faire un discours recense 21 impressionnants discours que Gabriel Garcia Márquez a prononcés au cours de sa vie. Ces textes, écrits dans le but d’être lus publiquement, ont été regroupés pour mettre en lumière les préoccupations fondamentales de l’auteur, dans lesquelles s’inscrit le rôle de la littérature. Lorsqu’il prononce son deuxième discours, en 1970, Garcia Márquez évoque déjà ses débuts dans le monde des lettres. L’auteur raconte qu’il a décidé de se mettre à écrire à cause de l’indignation d’un de ses professeurs en ce qui concerne la qualité d’écriture des jeunes. Pour prouver à son enseignant que sa génération pouvait écrire des textes aussi intéressants que ceux de leurs aînés, Garcia Márquez a écrit une nouvelle qui lui a permis de se découvrir un talent littéraire. C’est ainsi, en commençant à la même place que les autres, sans expérience et assis derrière un bureau, qu’une figure notoire de la littérature est née.
Le rapport de l’auteur avec l’auditoire
L’auteur, surnommé affectueusement « Gabo » en Amérique latine, semble ne ressentir aucun malaise devant un auditoire. Le secret de son aisance s’explique probablement par son aptitude à voir tout le monde comme son ami. On peut le lire dans « Comment je me suis mis à écrire »: « J’ai toujours pensé que je vivrais les cinq minutes les plus terrifiantes de ma vie dans un avion en présence de vingt à trente personnes, jamais devant deux cents amis, comme en cet instant ». Même s’il est impossible d’avoir deux cents amis dans un même auditoire, Gabriel Garcia Márquez désigne tous les individus comme de très bonnes connaissances et cela montre à quel point il est important pour lui d’entretenir une relation amicale avec son public. En outre, il évoque sa peur des discours sans crainte d’être jugé, comme s’il se confiait à ses auditeurs. Lorsque l’on comprend que Garcia Márquez déteste tout ce qui concerne les honneurs, on comprend aussi pourquoi il tente de se placer au même niveau que ses auditeurs. En 1985, Gabriel Garcia Márquez s’adresse directement à son public et remet en question sa place dans un groupe d’intellectuels : « Que faisons-nous ici? Et surtout : Que fais-je juché sur ce perchoir d’honneur, moi qui ai toujours considéré les discours comme la plus épouvantable des obligations humaines? ». L’humilité de Gabriel Garcia Márquez est palpable dans cet extrait tiré de son discours intitulé « Paroles pour un autre millénaire ». Le caractère humble de Garcia Márquez est remarquable lorsque l’on sait qu’il est l’un des auteurs hispano-américains les plus connus et les plus respectés au monde. Les échanges amicaux qu’a Garcia Márquez avec son auditoire portent à croire, sans aucun doute possible, qu’il est émotivement attaché aux peuples latino-américains.
Les influences littéraires
Comme tout auteur, Gabriel Garcia Márquez a été influencé par plusieurs œuvres littéraires et il en fait régulièrement part dans ses discours. À plusieurs reprises, lorsqu’il parle de poésie, Gabo complimente ou mentionne le nom du Chilien Pablo Neruda. Selon Garcia Márquez, c’est grâce aux poèmes de Neruda que l’actualité fantasmatique de l’Amérique latine a fait irruption dans les consciences européennes. La poésie est d’ailleurs une vertu pour Gabo : « La poésie qui, en une totalité miraculeuse, nous rend notre Amérique sur les ˮ Hauteurs du Machu Picchu ˮ du grand Pablo Neruda ». Il est évident que Gabriel Garcia Márquez est fier de la littérature hispano-américaine. Dans son discours intitulé « À la santé de la poésie », il avoue avoir la même opinion que Luis Cardoza y Aragón : l’unique preuve de l’existence humaine est la poésie. Garcia Màrquez mentionne aussi des vers d‘Eduardo Carranza, de Jorge Rojas et de Daniel Arango. C’est cependant la lecture du roman Pedro Paramo de Juan Rulfo, prêté par son ami Mutis, qui a le plus influencé Gabriel Garcia Márquez dans sa manière d’écrire : « […] j’ai appris à écrire d’une autre manière, mais aussi à toujours avoir une histoire en réserve pour ne pas avoir à raconter celle que je suis en train d’écrire ».
Ce qu’il faut retenir des discours de Gabriel Garcia Márquez
Je ne suis pas ici pour faire un discours est un relevé d’oppositions, remarquées par Garcia Márquez, entre la littérature américaine et la littérature hispano-américaine, les honneurs et l’humilité, la culture américaine et la culture européenne, l’éducation dans les pays riches et l’éducation dans les pays sous-développés, etc. Les textes regroupés dans Je ne suis pas ici pour faire un discours sont inspirants pour une cohorte de jeunes littéraires puisqu’ils sont tous reliés au domaine des lettres : les difficultés du métier d’écrivain, l’évolution des moyens d’écriture, les inspirations littéraires, les méthodes d’écriture, la destruction de certains récits insatisfaisants et surtout, le rapport à l’honneur.
La littérature hispano-américaine
Si l’auteur de Cent ans de solitude parle souvent de l’écriture, des honneurs, de l’éducation, de la politique, de la guerre et des enjeux environnementaux, il parle tout autant de la place de la littérature dans les pays hispano-américains. Dans « La solitude de l’Amérique Latine », Gabriel Garcia Márquez affirme que le défi des écrivains hispano-américains est d’écrire malgré l’insuffisance de moyens conventionnels capables de rendre leur existence crédible. Lorsqu’il écrit ce discours, en 1982, l’Amérique latine subit un certain retard par rapport au reste des Amériques. On peut ainsi comprendre que l’éducation et les moyens technologiques dans les pays hispano-américains n’étaient pas aussi développés que ceux présents au Canada ou aux États-Unis. Les Latino-Américains étaient difficilement considérés dans la culture occidentale à cause de leur retard économique et industriel. Garcia Márquez a observé une différence entre la réception de sa littérature et celle de sa culture. L’écrivain et orateur nous fait méditer sur la question suivante : « Pourquoi l’originalité que l’on accepte sans réserve dans notre littérature nous est-elle refusée avec tant de suspicion lorsqu’elle concerne nos tentatives si difficiles de changement social? ». Ce questionnement dénonce un sérieux problème d’acceptation des peuples hispanophones sur le continent par les peuples d’Amérique du Nord.
Je ne suis pas ici pour faire un discours est un relevé d’oppositions, remarquées par Garcia Márquez, entre la littérature américaine et la littérature hispano-américaine, les honneurs et l’humilité, la culture américaine et la culture européenne, etc.